Singulier et bien triste destin que celui du compositeur et pianiste québécois André Mathieu. Salué de toutes parts comme un enfant-prodige (une situation dangereuse, il est vrai), bientôt surnommé « le Mozart canadien » pour avoir écrit ses deux premiers concertos et deux premiers volumes de pièces pour piano à six ans, il se fit un grand nom autant au Canada qu’aux États-Unis et en France. À treize ans, il remportait le Premier Prix au Concours de composition du Philharmonique de New York et se produisait à Carnegie Hall… Élève d’Yves Nat, admirateur de Rachmaninov (qui aurait dit de Mathieu qu’il était le seul digne de se prétendre son successeur, est-ce vrai ou la légende ?), Mathieu ne refuse ni l’héritage postromantique, ni une certaine influence gershwinienne, dans une écriture foisonnante et grandiose, voir grandiloquente. Hélas, peu après la Seconde Guerre mondiale, sa brillante étoile se transforma en chandelle et c’est dans la misère, l’oubli et l’alcool qu’il succombera à l’âge de trente-neuf ans, non sans avoir composé quelque deux cents œuvres dont beaucoup n’ont pas même encore été identifiées de nos jours. Le pianiste Alain Lefèvre, qui s’est fait le champion de Mathieu, enregistre ici le Troisième Concerto – qui avait fait la gloire du compositeur à sa sortie en 1943, il n’avait alors que quatorze ans –, tour à tour connu sous le nom de « Symphonie romantique », « Concerto romantique » et finalement « Concerto de Québec », une œuvre ronflante, héroïque, romantique en diable, et tout et tout… En complément de programme, on pourra entendre Un Américain à Paris de Gershwin (1928), dont certains parallélismes avec Mathieu ne manqueront pas d’être relevés. © SM/Qobuz