Le jeune pianiste Fabian Müller, découvert à l’occasion d’un passionnant récital (Out of Doors) pour le label ARS-Produktion, propose aujourd’hui son deuxième album pour Berlin Classics. Brahms le poursuit, et il propose ici les deux Rhapsodies Op. 79, comme un écho de la précédente parution intégralement dédiée au compositeur allemand (Ballades Op. 10, 8 Klavierstücke Op. 76, 3 Intermezzi Op. 117). Il en donne une version très fluide et équilibrée, sans précipitation, et élégamment chantée, comme un avant-goût de la mélancolie des opus plus tardifs. Ces deux pages de la période médiane de Brahms sont introduites par la Deuxième Sonate de Schumann, la plus brève des trois, véritable tempête de sentiments que le musicien allemand n’exagère pas, il préfère respirer et chanter le plus possible, même dans le mouvement introductif, So rasch wie möglich, souvent plus bousculé. Ainsi proposé, ce Schumann, recueilli par essence, plus mélancolique que rêveur, retrouve ses parentés certaines avec Johannes Brahms, et l’Andantino (Getragen) en porte définitivement la trace.
La curiosité de ce nouveau récital de Fabian Müller réside dans le triptyque de Wolfgang Rihm, l’étonnant et (lui aussi) tempêtueux Klavierstück No. 5 « Tombeau », peu enregistré jusqu’à aujourd’hui. Le second volet de l’œuvre, Ciacona entretient avec un vrai sens du suspense les souvenirs de Beethoven et Brahms, et le Quasi chorale, se clôturant sur plusieurs accords saisissants, ouvre naturellement la voie à l’Appassionata de Beethoven. Dans cette sonate multi-enregistrée depuis les années 1930, Fabian Müller, disciple de Pierre-Laurent Aimard, séduit par sa clarté, et son naturel, qui savent être opiniâtres. Si d’autres enregistrements font preuve de vertus lyriques plus prononcées, ou assument plus nettement l’intensité bouillonnante de la partition, l’interprétation de Fabian Müller, toujours sensible, laisse naturellement éclater le foisonnement polyphonique de la partition. Particulièrement irrésistible, le second mouvement, assez idéal de tempo et d’accentuations, un Andante absolument con moto. Un très beau récital, sans doute le meilleur du pianiste à ce jour. © Pierre-Yves Lascar/Qobuz