C’est d’abord sur Internet que la machine Angèle s’est emballée, avec la sortie de trois singles (La Loi de Murphy, Je veux tes yeux et La Thune) qui ont à chaque fois fait exploser les nombres de vues et de likes sur les réseaux sociaux. Mais Angèle est beaucoup plus qu’un simple phénomène de mode formaté pour un public très jeune. C’est aussi une vraie musicienne amoureuse de la belle mélodie et une parolière qui ne mâche pas ses mots. Elle va même jusqu’à fustiger les réseaux sociaux, tout du moins à mettre en lumière ce qu’il peut y avoir de vain dans cette ascension fulgurante due à Internet, où l’ego peut être à la fois galvanisé et malmené (Victime des réseaux). On pourrait voir de l’ingratitude là-dedans, l’illustration du fameux proverbe espagnol « Cría cuervos y te sacarán los ojos » (« Elève des corbeaux et ils t’arracheront les yeux »). Mais ce qui se dégage chez elle, c’est plutôt une intelligence vivace et un discours empreint de justesse. Elle a parfaitement conscience que tout ceci est un joyeux « brol » (« bordel » en belge), pour reprendre le titre son album.
C’est une forme de légèreté bondissante qui caractérise avant tout l’univers de la sœur du rappeur Roméo Elvis. Épaulée par Tristan Salvati, Angèle a produit un album où l’électro-pop reflète sa modernité, mais aussi son humour et son franc-parler un peu gouailleur. À l’occasion, des rythmes reggae viennent apporter une dose de nonchalance à cette pop sautillante, ce qui vient compléter avec délice ce tableau aussi clair qu’un dessin de Hergé et aussi corrosif qu’une toile de Bruegel. Mais parfois, elle peut aussi prendre l’auditeur par surprise et lui distiller quelques gouttes de mélancolie (Nombreux, Ta Reine), ou bien mélanger savamment spleen et rythmes dansants (Flemme). Sorti en 2018, le phénomène Brol (disque de diamant) s’enrichit de six nouveaux titres en 2019. Parmi eux, on trouve quelques chansons dans lesquelles Angèle se dévoile de manière mélancolique (qu’il s’agisse d’une rupture amoureuse dans Perdus ou de ses acouphènes dans J’entends). Même sensation de clair-obscur dans Insomnies. Quant à Tu me regardes, elle fait écho à son tube Ta Reine (présent en clôture d’album sous forme orchestrale). Dans les deux chansons, il est question d’homosexualité. À noter enfin la présence d’un duo avec Kiddy Smile (Que du love), dans lequel Angèle retrouve son insouciance et surtout son sens du rythme. © Nicolas Magenham/Qobuz