On connait l’attirance de Kate Bush pour la littérature classique et la musique traditionnelle. Elle mélange ses deux passions dès le morceau d’ouverture (The Sensual World), en se référant à Ulysse de James Joyce et au poème Jerusalem de William Blake, le tout sur des sonorités à la fois électro-pop et folkloriques (cornemuse, violon irlandais…). Les voix bulgares sont également de la fête dans cet album puisque Kate Bush s’octroie les services de l’ensemble vocal Trio Bulgarka dans Deeper Understanding, Never Be Mine et Rocket's Tail. À travers ces orchestrations partiellement ancestrales, Kate Bush met en lumière une nouvelle fois son obsession pour le passé, auquel elle est certes attachée mais dont elle aimerait aussi se libérer, comme le montre l’étonnante chanson The Fog. Les relations complexes entre les hommes et les femmes sont une autre préoccupation de la chanteuse. Elle a souvent préconisé le jeu avec les genres afin d'y remédier (ce qui explique entre autres son statut d’icône gay), mais dans cet album, elle fait tout simplement (et plus tristement) le constat fataliste d’un échec (Between a Man and a Woman). The Sensual World comprend également l’une des plus belles ballades de Kate Bush, la sublime This Woman’s Work, écrite à l’origine pour le film La Vie en plus de John Hughes, avec Kevin Bacon (1988). La persona de Kate Bush a longtemps été celle d’une petite fille fantasque « piégée » dans le corps d’une adulte, d’où d’ailleurs son attirance pour le/son passé. Mais dans cette chanson, à une période où elle s’apprête à avoir 30 ans, Kate Bush commence à être attirée par l’idée de grandir. ©Nicolas Magenham/Qobuz.