Pour leur périple aux couleurs d’une Amérique où ils ont désormais jeté l’ancre, l’harmoniciste Grégoire Maret et le pianiste Romain Collin ont embarqué avec eux un illustre régional de l’étape : Bill Frisell. Mais le guitariste n’a pas simplement la particularité de venir d’outre-Atlantique. Depuis toujours, son jazz – est-ce d’ailleurs toujours du jazz ? – est imprégné des musiques classiques locales, qu’il s’agisse de country, de folk ou de blues. Et les récents albums de Frisell n’ont cessé d’ébranler avec finesse ces musiques roots… A l’exception du mythique Wichita Lineman de Jimmy Webb popularisé par Glen Campbell et repris par la Terre entière, le répertoire de cet Americana ne comprend pas de standards mais essentiellement des thèmes signés des trois complices.
En prime, une relecture de Re: Stacks de Bon Iver et de Brothers in Arms de Dire Straits. Guitare acoustique, électrique et banjo pour Frisell, piano, Moog et harmonium pour Collin, le ruine babine de Maret peut dérouler son chant mélodique au possible dans un univers fait d’espaces et de silences. Le trio joue d’ailleurs énormément avec les espaces, les grands espaces même, que la mythologie de la musique jouée laisse entrevoir. L’harmonica est un instrument tellement typé et véhiculant un imaginaire tellement codifié qu’il n’est jamais facile de s’en extraire. C’est pourtant la grâce qui habite les trois musiciens qui permet d’oublier les éventuelles casseroles et d’accoucher d’un disque féerique et aérien. © Marc Zisman/Qobuz