Dans ce nouvel opus d’une discographie abondante, Philippe Herreweghe (sur son label Phi) et le Collegium Vocale Gent nous plongent au cœur de deux cantates lumineuses de Johann Sebastian Bach. L’une, écrite en 1726 (Es ist dir gesagt, Mensch, was gut ist, BWV 45), s’articule autour d’une citation du Christ, interprétée par une voix de basse très virtuose, presque opératique, comme en témoigne l’étonnant Arioso central, Es werden viele zu mir sagen an jenem Tage, d’inspiration fortement italienne, avec vocalises à foison, en imitations des violons – sans doute l’une des pages les plus rapidement enivrantes du Cantor ! L’autre cantate, la célèbre Trauerode (Laß, Fürstin, laß noch einen Strahl, BWV 198), écrite l’année suivante, fut composée à l’occasion des funérailles de Christiane Eberhardine, fille du margrave de Brandebourg-Bayreuth et ardente luthérienne, dont la mort avait profondément affecté la population de Leipzig.
Il s’agit bien ici de nouveaux enregistrements, réalisés les 23-25 janvier 2020 à la Waalse Kerk d’Amsterdam, aux Pays-Bas. La prise de son est exemplaire, d’un naturel étourdissant – un bonheur pour les oreilles. La direction de Philippe Herreweghe est d’une fluidité et d’une souplesse irrésistibles. Les quatre solistes (la soprano Dorothee Mields, le contre-ténor Alex Potter, le ténor Thomas Hobbs et la basse Peter Kooij) forment un quatuor de grande beauté, les voix sont généreuses, investies sur le plan de l’expressif, et convaincantes du point de vue du « verbe » ; ils rappellent souvent les meilleurs solistes de l’intégrale Das alte Werk, à laquelle Herreweghe avait participé et à laquelle il semble plus que jamais vouloir rendre ici hommage (c’est Gustav Leonhardt qui avait dirigé les deux cantates ici présentes). De grands moments en particulier ? L’air Wer Gott bekennt (BWV 45) chanté par un Alex Potter puissamment expressif, l’air Verstummt, verstummt, ihr holden Saiten! (BWV 45) de Dorothee Mields, d’une grande ferveur théâtrale, ou encore le plus rare Motet BWV 118 ( O Jesu Christ, mein's Lebens Licht). Bref, un vrai enchantement ! À ne manquer sous aucun prétexte. © Pierre-Yves Lascar/Qobuz