Le Beethoven de Jordi Savall est vif. Alerte dans les accents, les rythmes, les articulations bien sûr. Mais aussi dans l'esprit et l'intelligence des phrasés, les balances orchestrales accomplies pourront allègrement en témoigner (Adagio de la 4e). Les tempos, eux, restent relativement mesurés mais allants. Secret de ces Beethoven, leur esprit dansant, hérité des danses du XVIIIe siècle, qui dynamise constamment le discours. Autre singularité, une réelle recherche de ce que Beethoven invente à l'orchestre, toute cette révolution des timbres qui innerve les constructions formelles du Maître de Bonn, dans les nouveautés de registrations (développement des cuivres et notamment des cors, mais aussi présence accrue des timbales, etc.), et dans le développement d’une densité des textures, tout ceci alliés à une poétique sonore d'essence théâtrale : ces symphonies sont des drames cachés. C’est ainsi que le voyait aussi Ernest Ansermet autrefois, et son intégrale Decca en porte la trace, en dépit d'une esthétique générale naturellement différente (Decca, 1958-1963, à redécouvrir). Ici, la 4è crie son audace – c’est finalement peut-être la plus grande des premières œuvres du genre dans le catalogue beethovénien. Jordi Savall réussit un très bel ensemble, qui se distingue très nettement dans cette année Beethoven 2020, où pleuvent les propositions artistiques, plutôt peu convaincantes. © Pierre-Yves Lascar/Qobuz