Certes, I quatro rusteghi de Wolf-Ferrari fut créé en allemand, en Allemagne et en 1906, mais voici ce petit chef-d’œuvre – ce grand chef-d’œuvre, en réalité – restitué dans son dialecte vénitien d’origine (d’où « quatro » et non moins « quattro » comme l’exigerait l’italien correct), enregistré lors d’une présentation en version « mise en espace » du Royal Liverpool Philharmonic. C’est là le plus inspiré de ce compositeur italo-allemand, constamment tiraillé entre deux fidélités nationales qui le forcèrent, lors de la Première Guerre, à s’installer en Suisse afin de n’avoir pas à prendre parti ; on entend clairement l’influence du Falstaff de Verdi, un peu moins de Puccini si ce n’est éventuellement Gianni Schicchi – qui n’était pas encore composé, et loin de là ! C’est dire la place fondamentale de Wolf-Ferrari dans le monde lyrique de son temps, une place qui lui a été refusée par la postérité, peut-être sous prétexte qu’il était trop italien pour les Allemands, trop germanique pour les Transalpins. Cela dit, I quatro rusteghi reste son ouvrage le plus joué de nos jours, et à juste titre : on y trouve une orchestration spirituelle en diable – une extraordinaire partie de basson solo, entre autres –, un art des ensembles vocaux des plus magistraux, et une truculence qui vous saisit du début à la fin. On aimerait quand même l’entendre sur les scènes hexagonales… L’album rassemble une superbe brochette de jeunes talents lyriques qu’il convient sans nul doute de suivre de très près. © SM/Qobuz