Avec un dynamisme jamais démenti depuis sa création, le Centre de musique romantique française installé au Palazzetto Bru Zane de Venise continue ses publications d’œuvres françaises inconnues. Cette nouvelle exhumation nous vient de Budapest avec les forces du Purcell Choir et de l’Orfeo Orchestra, sous la direction de György Vashegyi. Il a été réalisé dans une salle de concerts aux dimensions de cathédrale dotée d’une acoustique exceptionnelle, qui donne un sentiment d’espace bienvenu à cette découverte.
Si les protagonistes de cet opéra nous sont bien connus – Phèdre, Hippolyte, Thésée et Œnone –, le compositeur l’est beaucoup moins. Méprisé avec hauteur par Berlioz soixante ans après cette création, Jean-Baptiste Moyne (dit Lemoyne) remporta pourtant un véritable triomphe en 1786 avec son opéra Phèdre chanté à l’Opéra (Académie royale de musique) par les meilleurs chanteurs de son temps. Comparé alors aux chefs-d’œuvre de Gluck, cet opéra méritait de sortir de l’ombre grâce à des qualités mélodiques et théâtrales indéniables.
Né en Dordogne, Lemoyne avait étudié à Berlin avant de devenir second maître de musique de Frédéric le Grand, roi de Prusse et protecteur des arts. De retour en France, il dut se battre contre des cabales bien parisiennes, pris en tenaille entre les gluckistes et les piccinistes, dont la fameuse querelle n’était pas encore éteinte. Phèdre fut un des grands succès de la fin de l’Ancien Régime au point de survivre jusqu’au début du XIXe siècle puis de tomber dans l’oubli jusqu’au début du nôtre.
À la tête d’un des rares ensembles hongrois consacrés à la musique ancienne sur instruments d’époque, le fougueux et francophile György Vashegyi fait vivre à merveille toute l’intensité dramatique de cette partition avec un excellent quatuor de solistes internationaux. Une recréation qui met toutes les chances de son côté pour une résurrection réussie. © François Hudry/Qobuz