L’idée générique de la violoniste Elicia Silverstein est de mettre en parallèle les mondes des XVIIe et XVIIIe siècles d’une part – le baroque, donc – et la seconde moitié du XXe siècle avec ses explorations avant-gardistes toujours plus effrénées, le tout du haut de son violon. Cela dit, la phénoménale Sonate du Rosaire de Biber elle-même n’est-elle pas une extravagante imagerie d’une sauvage modernité, sa Passacaille de 1676 non moins agitatrice que le Deuxième Caprice de Sciarrino et ses chants d’oiseaux stylisés (on est très loin du quasi-naturalisme ornithologique de Messiaen) ?
La cesta (« Le panier ») de Pandolfi-Mealli – un compositeur dont on ne sait pratiquement rien si ce n’est qu’il fut un intense inventeur de nouveautés – n’est-il aussi hardi, voire plus en son temps, que la Sequenza VII de Berio et son obstination à tourner autour de seulement deux notes ? Enfin, Silverstein referme son album avec l’évidence radieuse qu’est la monumentale Chaconne de la Deuxième Partita de Bach. Et de manière à garder une certaine unité de sonorités, elle a choisi de rester dans le même diapason d’une œuvre à l’autre, préférant changer d’archet – trois archets différents – selon l’époque d’écriture des ouvrages. Voilà un opus discographique profondément réfléchi, et dont le titre peut se traduire par « Les rêves et fables que je façonne ». © SM/Qobuz