L'année 2015 marque un jalon dans la carrière de Björk, qui n'est autre qu'une reconnaissance officielle en la rétrospective de son oeuvre au Musée d'art moderne de New York (MOMA), trois ans après Kraftwerk. C'est tout un symbole pour celle qui a ouvert un nouvel horizon à la musique électronique et l'a portée à un large public avec ses premiers pas en solo. L'événement s'accompagne d'un neuvième album, Vulnicura, commercialisé deux mois avant la date prévue en raison de fuites sur internet.
Composé de neuf pièces chantées homogènes, Vulnicura constitue une nouvelle étape dans le parcours de Björk : après les fulgurances expérimentales et conceptuelles de Volta (2007) et de Biophilia (2011), l'égérie electro s'en retourne à un style plus accessible, sans renier de sa faculté à produire des sonorités et des croisements inédits. En l'occurrence, c'est d'un choc plus qu'agréable qu'il s'agit entre les arrière-plans électroniques et les cordes omniprésentes enveloppant la voix mûre de l'Islandaise.
Un album né d'une grande peine amoureuse, dit-on, et n'en laisse paraître pas moins par son interprétation douloureuse, parlée ou survolant la mélodie, balbutiante et éprouvée sur le magnifique thème mélancolique de « Stone Milket » ; démultipliée a cappella et lyrique sur « Lion Song » ; implorante et poignante sur « Family » ; innocente, et accompagnée par le timbre expressionniste d'Antony Hegarty sur « Atom Dance », la voix est la véritable vedette de l'enregistrement, son âme même, comme elle le fut dix ans auparavant dans Medùlla (2004).
Ce qui éloigne Vulnicura de tout pathétisme réside non seulement dans l'humilité de ses confessions, de lourds secrets masqués par des métaphores, mais également dans ses traitements sonores, propres à accentuer (« History of Touches »), prolonger (dans le long et merveilleux « Black Lake ») ou perturber (« Not Get », le plus expérimental) les émotions. Ce retour à la musicalité de Vespertine (2001) ou d'Homogenic (1997), autant cathartique que salvateur, ne ressemble à aucun de ses prédécesseurs.
© Loïc Picaud / Music-Story