« Ysaÿe… aussi », aurait pu chanter Fernandel sur le ton de « Félicie aussi », puisque Ysaÿe a suivi l’exemple de quelques illustres prédécesseurs – Bach, Telemann, Tartini, Paganini, Hindemith même – en écrivant, lui aussi, quelques grandes œuvres pour le violon solo. Ses Six Sonates Op. 27 de 1923 datent de son ultime maturité, puisqu’il affichait alors soixante-cinq printemps ; chacune est dédiée à un grand virtuose d’alors : Joseph Szigeti, Jacques Thibaud (dont le premier mouvement « Obsession » est un sommet de citations détournées et déformées de Bach et Paganini, un régal), George Enescu, Fritz Kreisler, Mathieu Crickboom, and Manuel Quiroga. Loin d’être un ensemble d’aimables pièces virtuoses, ce sont là de véritables moments de modernité dans lesquels le compositeur emprunte à tout ce qui est alors nouveau, y compris l’atonalisme, les quart de tons, les gammes par ton, ainsi que le nec plus ultra des techniques d’archet héritées de tous les grands solistes d’alors. Dans la lignée de quelques illustres prédécesseurs tels que Schumsky, Zimmermann ou Kavakos, la violoniste néerlandaise Yvonne Smeulers se lance dans l’intégrale de ces six intrigants chefs-d’œuvre qui jettent sur Ysaÿe un jour bien différent que celui qu’on croit être celui du simple virtuose-compositeur-qui-écrit-à-sa-propre-gloire. D’autant qu’il écrivit là à la gloire de six jeunes collègues ! © SM/Qobuz