C’est au pluriel que l’on devrait parler de ce célèbre quatuor fondé à New York en 1946. Constitué exclusivement de professeurs de la célèbre Juilliard School, cet ensemble mythique a vu en effet défiler plus de quinze musiciens depuis sa création tout en gardant le même esprit. Le Quatuor Juilliard est réputé pour sa précision, son style parfois contesté, car sans aucune complaisance et toujours au service des compositeurs. On lui a parfois reproché une certaine rudesse qui est pourtant celle des derniers quatuors de Beethoven et de ceux de Bartók dont il laisse des enregistrements de référence. Son approche musicale est nourrie des très nombreux compositeurs qui constituent la base de son travail.
Joseph Lin, premier violon de 2011 à 2018, a expliqué comment les nouveaux venus apprennent au contact des plus anciens au sein du quatuor, tout en ayant une approche ouverte, mais toujours centrée sur le respect absolu du compositeur. Depuis 2016, le quatuor s’est féminisé avec l’arrivée de la violoncelliste afro-américaine Astrid Schween et de la violoniste grecque Areta Shulla, ancienne élève d’Itzkak Perlman, qui assume la fonction de premier violon depuis septembre 2018.
Réalisé en 2017 à New York, ce nouvel enregistrement est donc le dernier avec Joseph Lin qui a décidé de se consacrer désormais à l’éducation de ses quatre jeunes enfants tout en restant professeur à la Juilliard School. On retrouve dans le programme de cet album la base même du travail historique des Juilliard avec un quatuor de Beethoven et un de Bartók encadrant une œuvre nouvelle, en l’occurrence celle du compositeur américano-argentin Mario Davidovsky.
Cet élève d’Aaron Copland s’est ensuite intéressé à la musique électroacoustique. Installé depuis 1960 à New York, il a été directeur associé du Centre de Musique électronique Columbia-Princeton. Né en 1934, Mario Davidovsky est toujours un compositeur très actif. Au sujet de Fragments, son sixième quatuor composé en 2016 qui figure sur ce nouvel enregistrement, le compositeur définit son travail comme « intensément pointilliste et pensé pour un grand instrument imaginaire à seize cordes » sans aucun recours à l’électronique. C’est à la fin de ce bref quatuor que les instruments retrouvent la singularité de leur timbre propre. © François Hudry/Qobuz