En 1730, le catalogue des œuvres de Couperin en tête de son Quatrième livre de pièces de clavecin mentionnait des « pièces de viole avec la basse chiffrée », mais aucun recueil à son nom ne semblait être paru. Longtemps, les musiciens ont fait le deuil de ces compositions qui semblaient perdues, voire jamais publiées. Il fallut attendre la perspicacité d’un musicologue du début du XXe siècle qui, en découvrant un livre de pièces de violes par un énigmatique « Mr. F. C. », fit le rapprochement avec Couperin. Et le puzzle de s’emboîter parfaitement : les initiales, la date de 1728 figurant sur la page de titre, l’intitulé du livre Pièces de violes avec la basse chiffrée et le prix de vente de « 6 livres tournois », fidèles à l’annonce du catalogue. À la lecture de la partition, les derniers doutes se dissipaient : agréments typiquement couperiniens, style ample, harmonie savoureuse ainsi que les titres obscurs de la seconde suite, voilà bien tout l’art de Couperin. Il est curieux, au vu de l’exquise qualité du recueil, que le compositeur ait préféré garder une certaine forme d’anonymat. Simple coquetterie d’une personne qui cultiva toute sa vie le goût de l’énigme, ou bien respect face à un instrument qui n’était pas le sien ?
Les quelques pièces de Forqueray qui émaillent cet enregistrement proviennent de sources manuscrites éparses. L’œuvre pour viole d’Antoine Forqueray père a été surtout transmise par son fils Jean-Baptiste, avec la publication en 1747 d’un livre posthume ; certaines pièces subsistent toutefois sous la forme de copie, comme celles présentes sur cet album. Les trois pièces, sans se démarquer complètement de la production de Forqueray, présentent un style plus proche du début du XVIIIe siècle et sont empreintes par moment d’une italianité évoquant les sonates de Corelli. Atsushi Sakaï joue sur une copie d’une basse de viole à cinq cordes française de 1687, Christophe Rousset sur un clavecin copie d’un Ruckers flamand de 1624, Marion Martineau une copie d’une basse de viole parisienne de 1693 et Isabelle Saint-Yves une copie différente du même instrument que Marion Martineau ! © SM/Qobuz